Chercheure et enseignante, Laura Foy est l’autrice d’une thèse qui s’intitule

« Quand la race fait école : place et rôle de la race dans l’activité professionnelle des enseignant·es des territoires hyper-paupérisés« .

Les écoles REP+ enquêtées pour cette recherche font partie des territoires les plus pauvres de France voire d’Europe. Elles sont le lieu de rencontre entre des enseignants majoritairement blancs, dotés d’un capital culturel relativement élevé, de revenus REP+ confortables, et des élèves multiminorisés appartenant à la fois aux groupes ethniques minoritaires et aux groupes socio-économiques les plus défavorisés. Dans ce contexte socialement et ethniquement ségrégué à l’extrême, les rapports de race viennent reconfigurer les relations entre les enseignants et les publics et la race occupe une place centrale dans l’activité professionnelle des enseignants.

Cette thèse propose d’utiliser le concept de race, en tant que construction pratique, articulé à une approche en termes de pouvoir et de domination, pour analyser, dans une perspective qualitative, compréhensive et intersectionnelle, la place et le rôle de la race dans l’activité professionnelle des enseignant·es exerçant dans les écoles hyper-paupérisées.

Cette enquête est menée par une chercheuse au point de vue doublement situé : son identité raciale métisse fait d’elle une personne racisable tandis que son identité professionnelle d’enseignante fait d’elle la pair de ses enquêtés. L’analyse repose ainsi sur une participation observante, objectivée et réflexive auprès des enseignants, dans les classes, les espaces de circulation et les salles des maitres.

Dans ce contexte scolaire fortement dégradé et ségrégué, la racialisation ordinaire des publics est euphémisée, routinisée, banalisée et en partie inconsciente. Elle apparait in fine comme une stratégie de survie professionnelle permettant aux enseignants d’accepter des conditions d’exercice violentes pour eux comme pour les élèves en externalisant la difficulté professionnelle, reportée sur des publics naturalisés. Ne reposant que rarement sur une construction idéologique stable, un rapport professionnel à la race est pourtant construit et diffusé dans les écoles hyper-paupérisées et il informe l’activité professionnelle des enseignant·es pour qui la race devient une catégorie de l’entendement professoral.

S’il n’y a pas de permanence et d’unicité des modes d’assignation à l’altérité raciale dans les écoles, si la race ne se manifeste pas toujours avec la même saillance et si elle n’occupe pas la même place dans l’activité professionnelle de tous les enseignants, l’ordre et les normes raciales et l’ordre et les normes scolaires n’en sont pas moins étroitement imbriqués les uns aux autres, mettant à mal l’idéal républicain et universaliste d’une école égalitaire et inclusive. 

Extraits musicaux :

Les chansons des Enfants des Quartiers Nord

ZEP – Je me soigne

Nina Simone – To Be Young, Gifted and Black